Territoire #6

Territoire, c’est un programme de performances dans l’espace public qui a lieu à Nancy durant l’été.
Territoire, c’est des artistes invité·e·s à réfléchir et questionner, à travers leurs pratiques respectives, l’usage de la ville et de ses espaces. Territoire, c’est ainsi la rencontre entre l’inattendu, l’insolite et le quotidien, c’est une invitation à regarder et pratiquer la ville autrement.

Territoire questionne donc la notion d’espace tant physique qu’artistique. Il s’agit, à travers la mise en œuvre d’un geste, d’interroger le lieu dans lequel ce geste se déploie. Mais ici, le questionnement se concentre sur une typologie particulière de l’environnement urbain : l’espace public. 

La qualification de public engendre l’idée d’accessibilité, d’ouverture à tous, car se reliant à un
élément regardant les citoyens dans leur ensemble. On définit d’ailleurs l’espace public comme l’ensemble des lieux de passage et de rassemblement qui sont à l’usage de tous. Ceux-ci sont gérés sous la dénomination de domaine public par l’Etat (dans un sens large de son interprétation) qui en est de fait le
propriétaire. Dès lors, cette notion de propriété contredit l’idée première de bien public. Elle introduit un état de droit garantissant les prérogatives et libertés des citoyens usagers de cet espace, mais bien plus aussi les réglementations ou restrictions encadrant le statut ouvert et anonyme de ce même espace. Se pose donc la question de liberté d’utilisation qui s’y rattache.

Chaque artiste participant·e est ainsi invité·e à se confronter à ces réglementations et codes. Se faisant, et à travers des pratiques et des philosophies très diversifiées, il s’agit d’en interroger les limites, d’en jouer pour livrer une vision renouvelée des usages de l’espace public.

Cette année, Territoire invite neuf artistes dont six français dont nombre d’entre eux résident et travaillent en région Grand Est et trois artistes étrangers venant de Suisse et des Pays-Bas.

Programme :

Claudia Bucher (CH)

mo/men/tan

> Samedi 5 août > Île de la Méchelle > 19h

De sa pratique initiale de la sculpture, Claudia Bucher a gardé l’intérêt pour le geste, les matériaux et l’espace- temps de la création. Ses performances se conçoivent comme un renouvellement de ce geste sculptural qui se concentre désormais sur l’espace de son corps, la nature des matériaux qui l’entourent ainsi que la temporalité qu’induit l’action. mo/men/tan se construit ainsi dans un rapport à l’espace et au temps : l’espace naturel dans lequel la performance prend place, l’instantanéité de sa création. Elle agit comme une célébration du corps à son environnement qui se déploie dans une série de gestes hommages à la figure de Gaïa. Car le propos que développe Claudia Bucher dans sa geste questionne notre relation à ce qui répond à l’appellation «non-humain», englobant ainsi bien plus que le vivant dans son lien à la Terre-Mère. Il s’agit pour elle, à travers l’invention de nouveaux rituels, d’édifier une nouvelle cosmogonie et de redéfinir ainsi notre idée de la réalité.

Claudia Bucher vit et travaille à Horn (CH)

http://www.claudiabucher.

Clara Saito (BRA/CH)

Sad clown

> Samedi 12 août > Parvis Jean-Paul II > 19h

Dans ses précédentes performances, Clara Saito s’est intéressée à travers l’expression corporel aux questions de dominations et de libérations qui infusent la société. Elle utilise ainsi son corps et ceux des performeurs avec qui elle travaille régulièrement pour traduire des ressentis et tenter de déconstruire les affects qu’engendrent les normes sociales et sociétales sur nos vies quotidiennes et plus particulièrement sur celles des minorités.

Avec Sad Clown, Clara Saito continue son exploration du langage des sentiments à travers celui du corps. Elle s’attache ici plus particulièrement à la question de la santé mentale par le biais de la figure du clown dont on attend légèreté, frivolité et fantaisie, faisant abstraction de la personne qui l’incarne. Mais que se passe-t-il lorsque ses sentiments enfouis ressurgissent ? Comment concilier alors personnage public et soi profond? C’est à cette problématique de l’ambiguïté des sentiments que tente ainsi de répondre cette performance en rejouant les codes du burlesque sur un mode mineur*.

* le mode mineur est une manière d’être présent dans son action telle qu’elle dégage l’humain de celle-ci sans le désengager.

Clara Saito vit et travaille à Amsterdam (NL).

https://clarasaito.com

Delphine Gatinois (FR)

Une bille en terre vaut deux gouttes d’eau

> Dimanche 13 août > Skatepark > 17h

La question du rapport à l’échelle est une des problématiques qui sous-tend le travail de Delphine Gatinois, que ce soit dans sa pratique photographique, sculpturale ou performative. Cette réflexion peut alors prendre différents sens, tant physique que sociétal, tant géographique que philosophique.

Dans sa performance Une bille en terre vaut deux gouttes d’eau, ce questionnement se rapporte à l’échelle du skatepark de Nancy qui devient pour une après-midi le terrain de jeu de l’artiste. Il est alors question ici d’un rapport au temps, à l’espace, à l’action. Il est question de proportions et de proportionnalité. Dans le cadre d’un tournoi de billes, Delphine Gatinois réinvente ainsi l’échelle du lieu, de son activité et de son ambiance particulière. Elle le transforme à sa hauteur et à son point de vue et invite les participants à faire de même. Elle invite ainsi à un retour sur soi, à un retour à la légèreté et à l’insouciance de l’enfance, à ses rires et à ses inventions.

Venez la défier avec votre pichenette !

Delphine Gatinois vit et travaille en Grand Est.

www.delphinegatinois.fr

Cynthia Montier (FR)

desideratas

> Samedi 19 août > Place Maginot > 19h

Cynthia Montier s’intéresse dans son travail aux rituels et pratiques issues des corps collectifs qui forment communauté. Pour Territoire, elle s’empare de l’imaginaire liée à la place Maginot, lieu de rassemblement et de revendications passées et présentes. Ces revendications se changent en des formes votives, échos de l’effort et de la persévérance, de la force des corps et des affects investies ou portées ici en faveur d’une justice immémorielle, des formes porteuses d’incarnation, porteuses d’aspirations, incarnant une présence impalpable (des vœux, demandes, doléances, chants, complaintes, cris, paroles et expressions affectives au sein desquels le geste votif a valeur de lien).

Car desiderata*, en faisant le constat d’un manque ou d’une absence, en appelle à l’augure : désirer, regarder le ciel dans l’espérance d’une réponse, se donner avec ferveur pour la faire advenir, invoquer ainsi l’horizon d’une étoile, d’une constellation, intime ou collective, et convoquer les affects projetés par celleux qui s’y rassemblent.

Cynthia Montier met alors en œuvre avec desiderata un vocable liant revendications sociales et sociétales à celui d’intentionnalité. Il s’agit d’inviter les usager·es de la place à porter haut leurs espérances en un avenir étincelant, incandescent.

*Du latin desiderare (« regretter l’absence de quelqu’un ou quelque chose »), dérivé de sidus, sideris (« constellation, étoile ») : dans la langue des augures ou des marins, constater l’absence d’un astre signifiait déception, regret

Ludivine Ledoux (FR)

Connecting landscapes

> Dimanche 20 août > Île de la Méchelle > 19h

Le travail de Ludivine Ledoux interroge ce qui fait lien à l’autre, que cet autre soit humain ou non humain. Elle réfléchit ainsi à ce qui nous connecte à notre environnement dans une vision élargie qui lui permet de créer de nouveaux récits afin d’initier une diplomatie des interdépendances chère à Baptiste Morizot.

La performance qu’elle propose pour Territoire s’inscrit dans cette continuité. Connecting Landscapes agit alors sur ce qui fait commun ou comment le lien qui nourrit les relations entre humains et non-humains est riche de ressources et de corrélations mutuelles. En s’inspirant des compétences du végétal, elle crée un rhizome de couleurs, d’odeurs et de goûts qui lui permet de peindre le délicat entrelacs des multiples interdépendances de notre paysage immédiat. Elle s’attache alors à le déployer vers autrui dans un geste de partage, intrinsèque à sa vision du monde. Un monde en mouvement, un monde qui évolue constamment et lui permet d’interroger continuellement sa manière et notre manière d’être au monde.

Steven Schoch (CH/ZA)

Golden Age #6

> Samedi 26 août > Site Alstom > 16h

Le travail de Steven Schoch engage le corps, le sien, celui des spectateurs, qu’ils soient parties prenantes d’une oeuvre collective et participative ou simple témoin d’un acte artistique. À travers cet engagement, l’artiste tente de créer un commun avec l’autre, de faire société avec lui car ce que Steven Schoch interroge dans son travail est justement comment se construit une société et de quelle manière une société se structure-t-elle pour précisément faire corps.

La série de performances Golden Age continue l’exploration de cette recherche en interrogeant ce qui fait société aujourd’hui dans un monde de plus en plus complexe et polarisé. Dans sa proposition, Steven Schoch fait surgir a travers un enchâssement chorégraphique une explosion de formes sonores, visuelles empruntes de culture pop qui lui permettent de questionner les enjeux sociétaux et sociaux qui parcourent notre époque. Et au chaos du monde, il oppose son propre chaos, empli de poésie et de force d’âme, et nous enjoint à y trouver notre place.

Stefania Crisan (FR/ROU)

Where are you, where are you? I’ve lost you in the city

> Dimanche 27 août > Parvis Octroi > 18h

Dans ses œuvres, Stefania Crisan évoque souvent l’idée de perte et d’oubli mais cette perte et cet oubli n’ont rien à voir avec la nostalgie du monde fantasmé d’antan. Il s’agit plutôt d’un constat, celui d’un monde qui se désagrège sous nos yeux sans que nous n’agissions pour y remédier, celui d’une perte de sens et de lien avec autrui, d’avec le vivant qui nous constitue et crée les conditions de notre existence.

Where are you, where are you? I’ve lost you in the city évoque tous ces liens, ces connexions perdus. À travers ce geste qu’elle inscrit dans la ville, Stefania Crisan parle de ces instants et de ces rencontres qui nous constituent en tant qu’individu mais aussi communauté. Elle évoque le sentiment effacé qu’induit la perte dans une société en mouvement perpétuel, de comment nous oublions ce qu’implique notre existence, des responsabilités qu’elle engage envers ses prochains, humains comme non humains. Where are you, where are you? I’ve lost you in the city est une bal(l)ade, une invocation qui cherche à créer une mémoire commune, à célébrer et réconcilier passé, présent et futur.

Eric Androa Mindre Kolo (FR/RDC)

Gobbi

> Vendredi 1er septembre > Place Vaudémont > 18h

Dans ses performances, Eric Androa Mindre Kolo utilise son corps comme une métaphore. Il redéfinit ce corps humain en l’accroissant d’accessoires qui le transcendent en un corps artistique. Les postures et gestuelles de ce nouveau corps deviennent dès lors les incarnations d’une poétique qui interroge l’espace public. 

Gobbi est l’histoire d’une rencontre avec le travail de Jacques Callot. Eric Androa Mindre Kolo a ressenti dans les gravures du maitre lorrain une folie du corps comique et un sens aigu des costumes qui sublime ce corps et lui sied bien. Les œuvres du graveur sont devenues un tremplin à la création d’un imaginaire commun dans lequel se mélangent la furie et l’ironie de vies polymorphiques à la poésie railleuse d’un quotidien doux-amer. Il s’agit dès lors pour Eric Androa Mindre Kolo d’incarner ici ces images du passé dans le présent, de se confronter ainsi avec l’illustre graveur nancéien, de donner vie et corps aux actes gravés tels un storyboard performatif, et finalement de graver un corps vivant dans la ville. 

Laurent Odelain (FR)

APO-ÈDRE

> Dimanche 3 septembre > Parc Sainte Marie > à partir de 17h

Laurent Odelain construit des objets et des situations qu’il éprouve ensuite dans des actions à la geste performative et poétique. Se faisant, il s’agit pour lui d’explorer des territoires, des paysages et d’en renouveler l’expérience en redéfinissant le rapport que l’on peut construire à notre environnement dans un élan pour retisser des liens autres au vivant. 

APO-ÈDRE est à nouveau de l’ordre de l’épreuve, celle de la construction d’un objet et d’un geste, une tentative de mise en mouvement d’une structure « hors des faces de la forme », évoquant une presque sphère, faite de plein et de vide, symbolisant un état de nature fait d’une multitude de formes qui se déploient et s’unissent pour faire corps et faire commun. Laurent Odelain s’inspire dans cette geste de la complétude formelle du pissenlit, symbole de la connaissance semée à tout vent. Il s’agit pour lui de se confronter et de nous confronter avec la complexité des règles du vivant, que l’on néglige faute de savoir les regarder, et finalement de questionner notre aptitude à conjurer notre condition d’Atlas contemporain.

Territoire #6 est soutenu par l’ADAGP et ProHelvetia

 À propos de l’ADAGP 

Créée en 1953, l’ADAGP est la société française de perception et de répartition des droits d’auteur dans le domaine des arts visuels. Forte d’un réseau mondial de 50 sociétés sœurs, elle représente aujourd’hui plus de 200 000 artistes dans toutes les disciplines : peinture, sculpture, photographie, architecture, design, bande dessinée, manga, illustration, street art, création numérique, art vidéo. 

De plus, l’ADAGP encourage la scène artistique en initiant et en soutenant financièrement des projets propres à animer et valoriser la création, et à en assurer la promotion à l’échelle nationale et internationale.

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